La scène se déroule dans la chambre d’AJ.
AJ – Moi, je veux te revoir, tes beaux yeux, ton sourire. Je veux refaire du skate le soir, à ne pas voir passer les heures. Je veux que tu surgisses de nulle part, avec ta planche de surf, et que tu me dises « On va se faire quelques vagues ? » Je veux sentir ta peau à nouveau. Ta peau douce, chaude, réconfortante et non froide, mortifiée. Je serais prêt à revenir cent fois dans cette chambre, près de ce lit, ce bruit incessant, juste pour à nouveau entendre un bonjour de ta part.
Moi, je veux vivre en sachant que tu es là-haut, à rire, surfer sur les nuages et que tu veilles sur nous.
Kristen – Je suis là.
AJ – …Kristen ?
Il se retourne.
Kristen – Oui, c’est moi. J’ai entendu tes belles paroles.
AJ, stupéfait – Comment est-ce possible ?
Kristen – Je ne sais pas. J’étais chez moi, et mon armoire a commencée à faire du bruit. Je me suis approchée, je l’ai ouverte. Elle donnait sur une autre porte. Je l’ai alors ouverte et je suis arrivée ici.
AJ – C’est incroyable… je ne pensais jamais te revoir, enfin, pas dans ces conditions…
Kristen sourit.
Kristen – Tu sais, je te regarde de là-haut. Je suis triste quand je te vois pleurer. Je suis en colère quand on t’embête. Je suis heureuse quand tu es heureux, Dans tous les cas, il me suffit de voir ton visage pour l’être.
AJ, heureux – Je n’y crois pas… si tu savais à quel point tu me manques… je compte chaque jour depuis ton départ.
Kristen – Moi aussi. J’ai beau être au Paradis, cela n’y ressemble point sans toi.
AJ – Comment c’est là-bas, d’ailleurs ?
Kristen – C’est un rêve. Il n’y a là aucune guerre ou rivalité, seulement la joie, le bonheur, la paix. Les paysages sont cependant familiers. Je me suis « réveillée » près d’un arbre, sur une colline. Il y avait à ma droite une forêt, plus vaste et dense que toute celles sur Terre. Je suis allée au village qu’il y avait sur ma gauche. Le chemin était bordé d’arbres qui chantait Les Passantes de Brassens.
AJ – C’est vrai ?
Kristen – Non, je rigole, même si j’aimerais bien. Elle chante tout doucement : « Je veux dédier ce poème, à toutes les femmes qu’on aime, pendant quelques instants secrets… »
AJ – Cela me fait plaisir de voir que tu y es bien.
Kristen – Et toi, sur Terre, comment se passe la vie ?
AJ – Rien n’a vraiment changé. L’Homme est toujours Homme, avec ses défauts et qualités. Les politiques se battent toujours à coup de petites phrases, les grands directeurs écrasent toujours la nature. Cependant, sans toi, tout cela semble encore plus terrible. Heureusement, les vagues sont là.
Kristen – Tu surfes toujours ?
AJ – Oui. Cela me permet d’oublier, l’instant d’une descente.
Kristen – Quand tu étais au bord de mon lit, je sentais ta présence, chaleureuse, aimante. Ce fut un bonheur sans pareil.
Elle prend la main d’AJ.
AJ – Je voulais te dire au revoir, te voir une dernière fois, c’était dur de te voir dans cet état.
Kristen regarde la table, curieuse.
Kristen – Je le sais bien. Je vois quelques manuscrits sur ta table, tu écris ?
AJ – Oui, je raconte notre histoire, je mets des mots sur des sensations, sur des sentiments, et je raconte aussi notre passion commune, notre deuxième paradis, le surf. Je le fais pour ne pas oublier, pour avancer. Peut-être que des gens dans la même situation que moi vont lire cette ébauche, et même ce livre, et se sentir mieux. Comme moi.
Kristen – Tu fais bien. Moi aussi, je voudrais ma copie. Je voudrais nous revoir, revivre ces moments.
AJ –J’essayerais de te l’envoyer, mais je ne sais pas si « Le Paradis » sera accepté comme destination par la poste…
Kristen rit, puis reprend son sérieux.
Kristen – Je vais devoir partir, on m’appelle.
Silence, ils se regardent.
AJ – Déjà ?
Kristen – Je crois que je n’ai pas le droit d’être ici, et si je peux, et bien c’est le moment de partir.
AJ – Tu reviendras ?
Kristen – J’essayerais, mais je ne pense pas.
AJ – On se dit Au revoir ?
Kristen – On se dit Au revoir, mais surtout, je t’aime.
AJ – Je t’aime aussi, pour toujours.
Il se réveille brusquement.
AJ – Ce n’était qu’un rêve ? Et pourtant cela semblait si réel…
Il regarde autour de lui.
AJ – Quelle est cette musique au loin… ?
On entend la voix de Georges Brassens s’élever :
« Alors, aux soirs de lassitude
tout en peuplant sa solitude
des fantômes du souvenir
on pleure les lèvres absentes
de toutes ces belles passantes
que l’on n’a pas su retenir. »
AJ ferme les yeux.
Noir progressif.
Création littéraire écrite par Clément, 605.